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André Ceccarelli

 

 

 

Lyon, vendredi 13 novembre 2009.

 

 

Propos recueillis par Alix Brun

 

Dans votre entourage proche quelqu’un vous a-t-il initié à la musique et plus particulièrement au Jazz et quand avez-vous décidé d’en faire votre métier ?

 

J’ai commencé la musique et la batterie par mimétisme. Mon père qui était batteur, et il l’est toujours même s’il ne joue plus, m’a montré la voie. Il venait répéter à la campagne, où j’habitais avec mes grands-parents car je ne supportais pas la ville, Nice, qui n’est pas si grande pourtant. J’avais quatre ans à l’époque. Puis j’ai fait quelques études, sans aller bien loin d’ailleurs, avant de revenir à la batterie vers quatorze, quinze ans. Et comme je n’étais pas « anti doué », mon père m’a montré les premiers rudiments avant que j’entre au conservatoire. C’est donc par lui, et non par les spectacles, que la musique m’a séduit. Cela a également été le cas pour mon frère et pour mon fils !

 

Quelle est votre relation à la batterie ?

 

La batterie est le prolongement de mon cerveau et de mes membres. De mon cerveau d’abord. Je vis avec elle depuis cinquante ans. Quelquefois, nous sommes bien ensemble, d’autres fois non. Disons que l’on s’accepte tous les deux.

 

Vous évoluez plutôt dans un jazz dit classique, n’avez-vous jamais été tenté par d’autres univers musicaux ?

 

J’aime toutes les musiques, évidemment, à condition qu’elles me fassent vibrer. Il y en a, comme dans toutes les disciplines artistiques, qui évoluent dans un certain flou, un « flou artistique »… on ne sait trop quoi en penser. Par exemple, en peinture, un mec arrive, jette un seau sur la toile et on trouve ça génial. Moi je déteste ! En musique, c’est pareil. Il y a des gens, à l’époque du free, qui ont fait des trucs invraisemblables et, parmi eux, d’autres qui ont réussi à blouser les gens. Moi qui ai collaboré à des créations contemporaines, je peux te dire qu’il y a des choses formidables dans ce domaine mais qu’il y a aussi, hélas, quantité d’escrocs. Bref, j’aime toutes les musiques pourvu qu’une vérité s’en dégage, qu’elle soit sincère et sensible. C’est un peu prétentieux de dire ça mais quelquefois, quand on écoute quelqu’un, on ne sent que le travail et pas de profondeur, alors… Mais ma musique de prédilection reste le jazz.

 

Avec quelles personnes ou groupes avez vous préféré jouer ? Une icône du Jazz vous a-t-elle particulièrement influencée ?

 

C’est une question à laquelle je ne peux pas répondre. Impossible. C’est un ensemble de personnes. Au début, oui, tu peux être influencé par un musicien. Ensuite, tu écoutes et tu côtoies le plus possible de musiciens, tu mets tout ça dans ta musette et c’est ainsi que tu construis ta personnalité.

 

Vous avez beaucoup joué en Italie, quelle est la spécificité du jazz italien ?

 

La spécificité du jazz italien, que j’ai connu à plusieurs époques, c’est un certain lyrisme. Mais comme ici en fait : on a un vocabulaire commun. Depuis quelques années le jazz italien est tiré vers le haut, à juste titre. Mais c’est le cas aussi en France, même si le jazz reste une musique marginale, difficile, qui demande un effort à l’auditeur. Je ne vois pas vraiment de différence. Il y a cinquante ans, c’était les jazzmen américains d’abord et le reste du monde ensuite. Maintenant tout le monde est à égalité, où que ce soit.

 

Quelle est la place du Jazz selon vous, dans la culture aujourd’hui ?

 

Le jazz est une musique exigeante à tous les niveaux, comme la musique classique d’ailleurs qui est plus soutenue par les politiques quels qu’ils soient et qui a donc une assise plus forte dans la société. On est dans une période de crise depuis une dizaine d’années. Les scènes nationales font beaucoup moins de concerts jazz aujourd’hui, peut-être parce que cela ne draine qu’un public considéré comme confidentiel. Mais le jazz, c’est un truc irrécupérable ! C’est un truc à part. La place qu’il occupe aujourd’hui, et son existence même, il la doit d’abord aux musiciens, pas aux pouvoirs publics. De toute façon, le jazz ne peut être sponsorisé. C’est une musique de liberté et elle occupe la place qui lui est due. Elle a énormément évolué depuis Ellington, Bechet ou Basie qui restent incontournables et que j’aime, ce que certains ont tendance à oublier, mais cela intéresse encore des gens. Alors, à l’échelle française, et même mondiale, la place du jazz dans la culture est infime, 0,000001 %, environ ! Mais ce n’est pas grave. Ce n’est pas un problème.

 

En tant que compositeur, comment visualisez-vous les autres instruments lorsque vous écrivez un morceau ?

 

Je compose peu mais, en général, j’ai un stéréotype. J’écris pour des petites formations. Pour les grands orchestres, je ne sais pas faire. J’ai donc une idée et tu imagines bien qu’en cinquante ans, avec l’expérience et l’évolution de mes connaissances, je sais à peu près comment faire sonner telle ou telle formation. Il m’arrive d’écrire de partitions de temps à autre, mais écrire c’est un bien grand mot. En trio, par exemple, on travaille ensemble, c’est plus amusant… et si on doit écrire une mélodie, on l’écrit.

 

Durant toutes ces années, que vous a apporté le Jazz et comment voyez-vous votre contribution à cette musique ?

 

Je n’ai pas vécu qu’avec le jazz, mais mon rêve d’enfant, c’était d’en jouer et de gagner ma vie avec, encore que cela soit très secondaire, parce que si on aime vraiment quelque chose, on se fout de gagner sa vie avec. On le fait. Surtout qu’à l’époque, il n’y avait pas les aides, cet état d’esprit de la subvention, de la politique du guichet. On n’avait pas de voiture, pas de batterie, pas d’endroit pour travailler, mais on faisait ce qu’on voulait : de la musique. J’ai essayé d’inculquer cela à mon fils. J’avais un rêve donc, vivre du jazz, et il s’est réalisé vers trente, trente-cinq ans. Ensuite, ma contribution au jazz ? … zéro.

 

N’avez-vous jamais ressenti de lassitude ?

 

Oui, quelquefois. On a des moments de solitude, presque de détresse quand on a l’impression de stagner, que rien ne va. Mais bon, j’ai une famille aussi et il n’y a pas que la musique dans la vie, mais elle tient une place très importante et quand je ne suis pas bien dans ma musique, cela se ressent sur mon caractère au quotidien. Je suis préoccupé. Quand tu fais un bon concert, pendant quelques jours, tu es bien dans ta peau. Si tu en fais un mauvais, tu es mal pendant plusieurs mois…

 

Pour finir, parlez-nous du Coq et de la pendule.

 

Je suis le premier fan de Claude Nougaro. J’ai fait quelques disques et des concerts avec lui tout au long de ma carrière. Sur son dernier album, on a commencé l’enregistrement ensemble et on a terminé sans lui. Il était parti. C’était triste… C’est sa femme qui m’a demandé de faire un hommage pour les quatre-vingts ans de Claude qui allait être célébré. On a fait Le coq et la pendule à compte d’auteur dans un studio à Nice avec les copains, sans maisons de disques. Ce ne serait pas sorti, on aurait tout de même été heureux de l’avoir fait. Il y a des morceaux instrumentaux, d’autres où David Linx chante merveilleusement. On a un peu transformé les rythmiques aussi. Le coq et la pendule, ça lui ressemblait. La façon dont a joué les morceaux, David et moi qui l’avons bien connu, on sait que cela lui aurait plu. On l’a fait sciemment. On a un peu fait les fous entre copains ! Mais quel intérêt y avait-il à faire du copier coller ? Je suis fier très d’avoir fait cet hommage, tout simplement.

 

 

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